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   ATELIERS AU LONG COURS, TEXTES VARIÉS  

Michèle

Deux escargots naquirent en même temps, un blanc, un noir. Ils découvrirent les jours, les nuits, la chaleur et le froid, le sec et le mouillé, et se lancèrent ainsi dans la

Escargots

vie, inséparables.

 

Les choses changèrent un beau matin, lorsque chacun d'eux s'éveilla avec un rêve différent.

 

L'escargot noir avait rêvé de philanthropie, et décida que rien n'était aussi beau que de faire de sa vie quelque chose d'utile. Alors il grandit, grandit, et devint le plus gros des escargots noirs de la région. Il repéra une sortie d'eau qui lui sembla idéale,

et se colla tout à côté, sur la pierre blanche de la maison. Bientôt, quelqu'un eut l'idée de se servir de lui pour accrocher un tuyau,

et l'escargot, tout fier, le soutint désormais vaillamment, heureux de se sentir à la fois pratique et important.

 

Cependant l'escargot blanc en fut tout attristé. Son rêve l'emportait vers de tout autres horizons et il ne se voyait

pas demeurer toute sa vie statique, coincé sur un mur. Alors,

il dit adieu à son frère, et partit seul vers sa destinée. Il décida

qu'il serait l'escargot le plus haut du monde, le premier

à atteindre le ciel. Il choisit un arbre - un tilleul, pour son parfum - tellement haut qu'on n'en voyait pas la cime. Il en entreprit vaillamment l'ascension, tout le long du tronc, puis d'une grosse branche, jusqu'à la pointe de la feuille la plus lointaine,

et il s'arrêta pour contempler le monde. Bien sûr, il était encore loin du sommet de l'arbre, mais il se savait déjà le plus haut

des escargots et de loin il pointa une de ses cornes vers son frère afin de le saluer. 

La suite de son voyage pouvait  attendre le lendemain.

 

On dit, on dit, les escargots de Bourgogne... Mais les plus malins, les plus héroïques, les plus sages, croyez-le, ce sont les escargots du Lot et Garonne.

La Mare

Marie Claude

Dans son lit protecteur, la mare est là immobile.

Elle se veut garante de la maison qu’elle borde. La mare aime

la paresse de la lenteur.

 

A la fraîcheur matinale, elle semble prisonnière de sa coque laiteuse. Puis, peu à peu, sa peau crémeuse se fissure, son manteau glauque se ride de rondes dessinées par des araignées d’eau à la recherche d’insectes. Des grenouilles, statues de jade, gobent leurs histoires.

 

Des écrevisses  se cachent dans les fissures des berges. Seules, les libellules libèrent leur agacement en dansant de ci, de là,

en quête de leur festin.

 

La mare devient miroir pour les arbres dont les branches coquettes se desquament de leurs feuilles mortes qui sombrent, engluées, dans le marais vert. Des arbrisseaux, aux tiges grêles, deviennent palettes pour les toiles d’araignée,  dentelles

qui dansent au gré du vent doux du matin. Des Demoiselles

s’y accrochent, elles chauffent leurs ailes brodées d’argent.

 

Le premier regard aimerait se laisser aller à sa divagation lente

et apaisante, mais l’esprit se rappelle de la mare au diable,

alors la peur de céder à son attraction comme un puits sans fond, étreint  le corps. Pris de panique,  on s’évade loin d’elle.

La mare n’en a cure, elle garde son quant à soi, sereine.   

 

Je te dirai mon ravissement

Marie

Découvrir les jardins d’eau de Giverny, cet écrin de verdure,

de couleurs et de parfums, a provoqué en moi un véritable choc émotionnel. Bien entendu, j’en avais entendu parler. Je connais Monet, ses merveilleux tableaux, peints  ici même dans ces lieux qu’il conçut au service de son art. Mais à peine arrivée au bord des étangs, j’ai été saisie par la beauté et l’harmonie de l’ensemble! Oubliées la foule, l’attente au guichet, les bruyantes colonies d’enfants en sortie scolaire : Ce jardin s’offre à moi.

Une profusion d’arbres, de feuillages et de fleurs s’enchevêtrent dans un joyeux fouillis  - en réalité très orchestré…  Assise sur

un banc, je vois à ma gauche,  derrière la fine barrière en bambou

qui délimite le parcours, des azalées aux délicates couleurs rose-saumonées côtoyant des chardons aux bleus lumineux. Face à moi, des fleurs  bicolores m’évoquent des lys. Rouges et orangées, elles s’harmonisent avec d’imposants buissons de rhododendrons violets dont elles sont séparées par un délicat mouchetis

de myosotis. Quelques tuteurs soutiennent des rosiers lianes. Leurs  fleurs immaculées commencent tout juste à s’ouvrir dans cet espace ombragé. Ces multiples inflorescences  sont reliées

les unes aux autres par la rivière qui serpente. Elles se détachent

sur un fond verdoyant de gigantesques feuilles cordiformes,

de touffes alignées d’hémérocalles et d’arbres  majestueux : Saules, érables, acacias, tilleuls, aulnes…

Et, partout, le ciel et l’eau en reflets, vastes miroirs rompant

avec la végétation luxuriante,  partout les nuages, légers,

et cette lumière pointilliste, impressionniste, en taches mouvantes, jusque sur ma feuille.

Florence

Atelier Petits Papiers

 

Le funambule avançait son pied sur la corde, centimètre après centimètre, sous l’œil anxieux du public du cirque. Il se jouait

du danger, testant les limites de son équilibre jusqu’à faire

crier de peur ces gens qu’il ne percevait pas, dans l’obscurité 

des gradins. Autour de lui, tout était noir - lui, petite tache

de lumière au cœur des ténèbres, avec sa grande rose rouge

à la boutonnière, esquissait un sourire espiègle en suivant, concentré, la ligne claire qui le maintenait au-dessus du vide. 

Ici, là, il n’existait plus vraiment - clown noctambule,

il évoluait désormais dans une bulle de solitude.

 De Prunes Prunes 
Le FunanbuleCompote De PrunesCompote De Prunes

Françoise

lou carreyrou

 

Attirée par un chat tricolore aux yeux

jaunes, je me suis aventurée dans

cetteruelle ombragée, longue de

même pas cent mètres.

 

Aucune voiture ne pourrait s'y risquer :

en effet le début de « Lou Carreyrou Â»est occupé sur un bon tiers de sa largeur,par les pots de fleurs et plantations de la maison

qui occupe le coin à gauche. Maison à deux étages, fenêtres encadrées de vieux bois, murs de pierres et de torchis, elle

a un toit débordant contrairement à la plupart des autres

maisons du village.

Les pots de fleurs se comptent par dizaines. Pots de terre cuite, vernissés ou non, ils contiennent toutes sortes de plantes, certaines grimpantes comme un jasmin étoilé ou un chèvrefeuille.

Géraniums, bégonias, fuchsias, pétunias, verveines, impatiens, hydrangéas, althéas, menthe, basilic et romarin, et encore diverses plantes grasses dont j'ignore les noms.

Un peu de terre dans de plus grands bacs ont permis à une vigne sur une façade et à une glycine sur une autre, de s'épanouir jusqu'à envahir la maison voisine. Et comme si cela ne suffisait pas, des planches horizontales ont été clouées à mi-hauteur

du mur. D'autres pots s'y alignent. Encore des fleurs ! Et enfin, suspendues je ne sais trop où, des marmites en fonte emplies

de bégonias rouges.

De l'autre côté de la ruelle, une maison plus haute, volets fermés, pas de charme particulier. Quel contraste !

 

Mais cette ruelle me réserve une surprise étonnante :

j'ai l'impression qu'elle se termine dans le vide.

Je m'approche : légèrement ascendante dans sa première moitié, elle se met à descendre un peu et provoque en moi un curieux sentiment de vide : elle s'ouvre comme une grande fenêtre sur

le paysage lointain, la plaine du Lot.

A ma gauche, le mur d'une maison de pierres à deux étages, 

(à vendre : l'horloger prend sa retraite). Elle s’orne à son coin d'une grosse lanterne coiffée d'un chapeau pointu de métal.

A ma droite, le mur lisse d'une maison beaucoup plus haute.

Entre les deux, la ruelle s'arrête sur un muret bas, largement percé en son milieu. Sur ce qu'il lui reste de côtés de deux bacs

de pierre emplis de sauges bleues sont posés.

Là s'offre à moi le paysage, comme à travers une large baie vitrée. Mon regard hésite entre le tout près et le très loin, en contrebas.

Petites collines vertes et douces sur ciel laiteux, zones boisées, champs rectangulaires ou tout en longueur, maisons lointaines aux toits de tuiles roses, en petits paquets ou isolées et entourées de jardins. Au premier plan, mais que c'est loin déjà, une route

qui sinue, et quelques voitures.

 

Je n’entends que le bruit, insistant, du vent dans l’impasse, et le roucoulement de quelque pigeons.

 

 

L'Odorat

Edmée

Oh précieux odorat, non seulement tu nous permets de sentir

les parfums, mais grâce à toi, le goût n’est pas en reste. La saveur des mets qui touche nos papilles est exaltée par la possibilité

de les humer auparavant. 

Le dirai-je ? Sans odorat, pas de goût.

Les deux sens sont si étroitement liés que, infirme de l’un,

on l’est aussi de l’autre.

Quel plus grand bonheur que de poser son nez dans le cou

d’un bébé, et d’y retrouver ce mélange de lait, de talc,

de « sent-bon Â».

Plus tard, l’enfant  ramènera de l’école un parfum d’encre,

de craie, de papier.

Et plus tard encore, adolescent, il n’hésitera pas à emprunter

à son père, l’eau de toilette que maman a offerte. Ainsi, tout en croyant s’affranchir, il reste intimement noyé dans le cocon familial.

L’âge adulte lui accordera la liberté du choix.

 

Une mère de ma connaissance ressent  toujours un grand bonheur à faire des bisous, le plus près possible du cou de son grand fils.

15 septembre 2014 – Procès à Penne d’Agenais

Odile

Sur le banc des condamnés, le général Procambarius du Cuirassé Louisiane, venu d’Outre-Atlantique pour perpétrer depuis des décennies ses crimes contre l’Humanité. Oui, contre l’Humanité,

car voici le panégyrique de ce qui lui est reproché :

  • Violation délibérée des étendues d’eau stagnante de nos contrées

  • Attaque ignominieuse et lâche des espèces les plus lentes de nos étangs et rivières

  • Meurtre systématique des têtards et grenouilles

  • Extermination des…

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Bryana

Dans la voiture
qui me ramène
à Paris

Dans la voiture qui me ramène à Paris, un air de violon referme lentement cette journée.

Je regarde défiler le paysage des souvenirs et tous les mots

que nous avons déposés sur nos carnets, que nous avons murmurés au milieu des iris et sous le peuplier du café de l’hôtel Baudry.

 

Une profusion de couleurs, de parfums et de langues parcourait les allées des jardins de Giverny. Les enfants assis dans l’herbe racontaient des histoires de coquelicots.

 

On a marché, marché dans les ruelles, on est rentré, rentré

dans les galeries, on a écrit, écrit dans les jardins, on a flâné,

flâné dans une peinture grandeur nature.

 

Et puis j’ai vu Monet, debout devant l’étang, respirant chaque touche de lumière, imitant le lent balancement des branches plongeantes du saule pleureur, écoutant le bruissement

des feuilles dans les arbres, chantant la légèreté des oiseaux,

jouant avec les caprices des nymphéas, muses du grand peintre.

 

Et puis j’ai vu la versatilité de la vie, le cycle des saisons,

les mouvements qui nous sillonnent, le souffle du vivant

qui jamais ne s’arrête.

 

Vos peintures sont magnifiques, Monsieur Monet, mais votre plus belle Å“uvre n’est-elle pas ce jardin que vous avez créé ?

Compote De Prunes

Michèle

La prune aux runes de pruine a mûri sur l'arbre

La prune aux runes de bruine a mûri sur l'arbre

La prune aux runes de bruine a séché sur l'arbre

La prune aux runes de bruine a séché sous la lune

La prune aux rives de bruine a séché sous la lune

La pluie aux rives de bruine a séché sous la lune

La pluie aux rives de bruine a coulé sous la lune

La dune aux rives de bruine a coulé sous la lune

La dune aux rives de lave a coulé sous la lune

La dune aux rives de lave a brûlé dans le feu

La brume aux rives de lave a brûlé dans le feu

La brume aux rives de lave a dansé dans le feu

La brune aux runes de lave a dansé dans la nuit

La prune aux runes de lave a mûri dans la nuit

La prune aux runes de bruine a mûri dans la nuit

La prune aux runes de pruine a mûri dans la nuit

La prune aux runes de pruine a mûri sur l'arbre

au marché de monflanquin

Edmée

 

Sympathique ce marché, même si je n’y retrouve pas l’ambiance des marchés de Provence immortalisés par Becaud. Il est vrai aussi que la haute saison est terminée et les quelques touristes qui  parcourent la place ont dépassé depuis plusieurs décennies l’âge des rentrées scolaires.

 

J’ai tout de même retrouvé cette atmosphère que j’ai connue enfant, avec maman. On ne se servait pas seul, comme l’habitude en est prise maintenant dans les supermarchés. De retour

à la maison, j’entendais maman grogner un peu après la tomate trop mûre, glissée habilement au milieu des autres et après

le fruit talé qu’il allait falloir consommer « en premier Â» de sorte que l’on avait rarement droit aux fruits parfaits. Mais j’ai encore aux lèvres leur saveur incomparable que je ne retrouve pas aujourd’hui.

Déjà la saison des courges et autres potirons, promesses de soupes onctueuses.

 

C’est plus fort que moi, j’ai replongé dans les marchés d’autrefois où je devais accompagner maman, jusqu’à mes dix-huit ans environ, où à sa grande surprise c’était moi qui l’entraînais.

Ce qu’elle ignorait, la chère âme, c’est que j’espérais bien y croiser un certain garçon, qui lui aussi était là, soit disant pour porter

les sacs de sa mère. Â« Bonjour Jean ! Â» « Bonjour Edmée ! Â».

Et le Jean en question est devenu mon mari.  Un demi-siècle plus tard, il partage toujours ma vie.

 

Souvenirs jamais oubliés et que nous évoquons encore avec émotion. Certes, notre jeunesse s’est enfuie, mais notre tendresse est toujours vive.

 

Si je m’écoutais, j’achèterais volontiers ces tomates qui embaument, mais je retourne à Paris par le train et les pauvres seraient  sûrement réduites en coulis….

Mais comme je me charge des courses pour le repas de ce soir, des courgettes pour une éventuelle tarte, je craque aussi pour des tomates, surtout des tomates. Le raisin parfumé sera le dessert parfait.

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